l’analyse : d’une pièce théâtrale rénovée
I. Le rôle du prologue[2] dans une tragédie moderne
a. Prologue ou scène d’exposition
Le
prologue dans la tragédie moderne joue le rôle de la scène d’exposition
au théâtre classique et le rôle de la préface à la fois. Dans le
prologue d’Antigone de JEAN ANOUILH, il y a des indications
scéniques qui signalent le décor et sa nature : il ne s’agit pas d’un
décor fabuleux comme c’est le cas au théâtre classique, mais d’un décor
neutre sans fantasmes. Les indications signalent aussi les activités des
personnages qui sont regroupés sur scène : ceux qui bavardent, ceux qui
tricotent ou qui jouent aux cartes. Une chose inattendue au début d’une
tragédie.
Le
prologue débute par une présentation immédiate des protagonistes : une
présentation qui montre que les personnages sont artificiels. Dans un
style familier est ordinaire, le prologue trace un tableau vivant en
montrant les protagonistes du doigt : ceux qui vont jouer sur scène et
qui vont déclencher l’action.
Les présentatifs ’’voilà’’ ’’c’est’’ sont très utilisés, ainsi que les démonstratifs ’’ce garçon pâle’’, ’’cet homme’’. La présentation faite par le prologue détermine les personnages et leurs rôles : « Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’’ au bout… » (p.10)
Les protagoniste
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Caractéristiques
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Rôles
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Antigone
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Maigre, petite, elle regarde droit devant elle, noiraude, renfermée, personne ne la prenait au sérieux
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Antigone va surgir soudain, et se dresser seule en face au monde, seule face au Créon. Elle va mourir.
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Créon
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Robuste, aux cheveux blancs, il médite. Il a pris la place d’Œdipe et ses fils.
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Le roi de THEBES
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Ismène
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Bavarde, rit de nous tous, blonde, belle, heureuse.
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Sœur d’Antigone
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Hémon
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Il aime la danse, la réussite, sensuel comme Ismène.
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Le fils de Créon et le fiancé d’Antigone.
Il va mourir.
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Eurydice
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La vieille dame qui tricote.
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La femme de Créon. Elle va mourir.
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Le Messager
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Garçon pâle.
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Il viendra annoncer la mort d’Hémon.
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La Nourrice
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Elever les deux filles.
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Les gardes
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Trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes.
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Ils vont tuer les accusés tout-à- l’heure.
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b. Les anachronismes
La
volonté de choquer le lecteur réel que nous sommes a amené Jean
Anouilh, à exploiter l’anachronisme tout d’abord dans le texte lui-même.
Nous sommes surpris par la présence du décor neutre et moderne de la
scène, par la présence du ’’café’’, que La Nourrice apporte à Antigone,
du ’’tricot’’ d’Eurydice, de la ’’cigarette’’ qui avait allumé Polynice,
etc. L’anachronisme, veut montrer que le héros mythique est de tous les
temps, comme il renforce le message de l’œuvre. En outre il illustre la
modernisation et la rénovation du mythe. Notons que l’anachronisme
également actualise le mythe et le modernise.
Dans
ce prologue nous avons un système anachronique dans la mesure où
l’auteur ou plutôt l’orateur nous parle des rôles que les personnages
vont jouer tout en se précipitant sur leurs parcours narratif en
signalant leur fin tragique et leurs activités peu propres à l’époque.
D’abord, il précise la fatalité de l’existence d’Antigone qui
ne devait jamais avoir lieu. Comme il annonce la mort d’Hémon puisqu’il
ne devait pas y avoir de mari d’Antigone. Ce jeu sur le temps marque la
tournure tragique des actes d’Antigone. Cette dernière
est guidée par son sort tragique, elle devait mourir malgré son
innocence, puisque l’Histoire ne peut être corrigée et ne peut pardonner
personne. Les lecteurs-spectateurs sont concernés et impliqués dans ce
prologue artificiel au décor neutre, voire moderne. Cet anachronisme a
pour but de mettre en relief le rôle d’Antigone. La personne qui veut
parler très fort et tenir tête à Créon. La fille maigre et noiraude qui a
osé dire ’’Non’’ à voix haute malgré ses
origines et malgré ses particularités génétiques. Les personnages
semblent modernes et peu propres aux personnages classiques qui émanent
de La tragédie telle qu’elle est conçue.
II. L’insoumission/ La révolte/ La solitude
L’insoumission,
la révolte, la solitude sont les caractéristiques d’Antigone : héroïne
solitaire, qui trace quelques aspects du héros tragique traditionnel,
distingué par son audace et sa force. Sauf qu’ici, Antigone est seule
face au danger. Elle va réagir seule contre la volonté de Créon même sa
sœur Ismène ne peut prendre sa défense. Pendant les premières scènes d’Antigone
(La pièce théâtrale), plusieurs questions surgissent à travers la
conversation des deux sœurs : Faut-il réfléchir avant d’agir ?ou il vaut
mieux ne pas le faire ? Antigone dit dans l’une de ses répliques : « Il y a des fois où il ne faut pas trop réfléchir. » (p.24) Antigone
ne veut plus écouter la raison, elle veut sortir de son coin pour
parler ; s’exprimer, faire pour la première fois, ce qu’elle lui semble
bon à faire et non ce qu’elle doit faire.
Antigone
n’est plus la soumise d’autrefois, elle se révolte, elle se rebelle
sans comprendre pourquoi et sans chercher à le comprendre. Comprendre
pour Antigone est une stratégie pour donner raison à des choses
insensées et illogiques : « Comprendre dit-elle (…) Il fallait
comprendre qu’on ne peut pas toucher à l’eau, à la belle eau fuyante et
froide, parce que cela mouille les dalles. A la terre parce que cela
tache les robes… » (p.26)
a. Le poids de la fatalité
A
travers le dialogue impossible entre les deux sœurs, nous constatons
qu’Antigone veut supporter, voire porter toute seule le poids de la
fatalité. Elle exprime ainsi sa révolte sans penser aux risques qu’elle
va prendre. Ismène au contraire, a peur de l’humiliation, de la
souffrance et de la mort.
Le jeu de l’aînée et la cadette relate la sagesse d’Ismène, qui veut essayer d’étouffer la colère et l’impétuosité[3]
d’Antigone, qui refuse de céder aux conseils de sa sœur. Antigone veut
tenir tête à Créon, à tout le monde en prenant en défi la puissance du
pouvoir et le poids de la fatalité.
III. Le rôle des mythes antiques dans les tragédies modernes
« L’Antigone
de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis
toujours, à été un choc soudain pendant la guerre(…) Je l’ai réécrite à
ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en
train de vivre. » Jean Anouilh
Jean Anouilh ici évoque le drame de la guerre mondiale, il trouve que le mythe d’Antigone
peut très bien illustrer cette tragédie moderne. La mort, le sang, les
cadavres, les décombres : un choc que seule la littérature peut mettre
en lumière. Créon symbolise cette force insensée des plus forts, qui
écrasent les faibles. Cette guerre dévastatrice et incroyable qui tue
tout le monde sans raison. Antigone symbolise les pacifistes qui sont
contre ce drame et qui meurent malgré tout, car personne ne s’occupe de
leurs pensées. En effet, c’est le pouvoir et la force qui commandent.
Jean Anouilh a écrit cette pièce pour incarner un débat d’actualité : La
guerre, cette machine de la mort qui écrase tout le monde. Antigone relate également le conflit entre les générations. En effet, chaque temps à son Antigone…
a. La réécriture du mythe dans la tragédie moderne
La tirade de Créon où il répond à Antigone (p.76-77) relate la réécriture d’un mythe ancien celui d’Œdipe dans
la tragédie moderne. La tragédie du pouvoir excessif, qui entraine tout
le monde sans raison. Les conflits des générations, la révolution
contre l’injustice…
Créon
est contre ceux qui le prennent en défi. Comme tous les tyrans, il ne
peut supporter qu’on lui tienne tête. Pour lui Antigone et son père
Œdipe méritent la mort, car ils sont des sottes personnes qui ne
raisonnent point.
Pourtant, Créon a voulu calmer Antigone puisqu’il est son oncle après tout : « Les rois ont d’autre chose à faire que du pathétique personnel, ma petite fille. (Il a été à elle, il lui prend le bras). » Cette didascalie montre que Créon veut étouffer la révolte d’Antigone, qu’il cherche à calmer le jeu : « Thèbes
en a besoin plus de ta mort, je te l’assure. Dit-il. N’oublie pas que
c’est moi qui t’ai fait cadeau de ta première poupée, il n’y a pas si
longtemps.» Pourtant, cette stratégie pathétique n’aura pas de
l’effet sur Antigone puisqu’elle va refuser de céder à ces tentatives
(Aux tentatives de Créon.)
Jean Anouilh
I. La fonction actantielle des personnages : Créon et Antigone
Sujets
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Objet de la quête
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Adjuvants
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Opposants
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Destinateur
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Antigone
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Bonheur absolu, idéal
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Hémon
Sa volonté et son courage
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Créon, les gardes Ismène, La Foule
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Enterrer son frère
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Créon
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Bonheur
Prosaïque
ordinaire
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La Foule, les gardes, Ismène
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Antigone
Hémon
Ismène
Et sa femme vers la fin de la pièce.
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Faire étouffer la révolte d’Antigone
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Antigone
va entrer en conflit avec Créon toute seule. Seule face à Créon, elle
va essayer de s’exprimer pour la première fois, afin de montrer
l’absurde d’exister, de croire à un bonheur possible ou de céder au
pouvoir.
Les
deux protagonistes Créon et Antigone sont deux actants agissants, qui
constituent une relation/nœud de la pièce. Les deux symbolisent des
principes contradictoires, ils ne pourront jamais se mettre d’accord
malgré les tentatives de Créon.
a. La tension dramatique
Au
début de la conversation de Créon et d’Antigone nous avons eu
l’impression, que les événements prennent une autre tournure, mais vers
la fin du texte nous constatons qu’Antigone va changer le cours des
événements selon sa manière.
La
tension dramatique n’a pas diminuée, car Antigone n’est pas convaincue
des propos de son oncle. L’Argumentation de Créon lui, semble absurde et
insensée. Les « ouïs » d’Antigone prononcés au début sont des « ouïs »
de révolte, de souffrance et de désaccord et non de conviction. Le
raisonnement de Créon n’a pas pu calmer Antigone même si elle prétend la
comprendre : « Je te comprends, j’aurais fait comme toi à vingt ans. C’est pour cela que je buvais tes paroles. » Toutefois, Créon ne pourra pas tenir longtemps ce rôle puisqu’il va craquer vers la fin de leur conversation : « Tu est folle, tais toi. » En effet, Antigone désire mourir et ne peut supporter les paroles de Créon et ses idées.
b. Les conflits
Entre
Créon et Antigone il y a plusieurs conflits : Conflit de génération,
conflit de conception, conflit d’existence, de visions, de pouvoirs, de
décisions, de statut et d’origine…
Dans
cette pièce les conflits surgissent malgré les réponses timides
d’Antigone. Les questions infernales posées par cette dernière mettent
en question les paroles de Créon et relatent l’absurde de ce futur
bonheur promis par Créon : « Quel sera-t-il mon bonheur ? »
dit Antigone. Antigone veut la liberté et le bonheur absolu, elle ne
peut croire au bonheur sous l’aliénation, sous l’autorité de Créon. Elle
préfère mourir au lieu de vivre sous la protection de son oncle…
c. Le rôle du Chœur
Le chœur dans Antigone (La pièce) joue un rôle essentiel, puisqu’il commente les actes absurdes de Créon ainsi que le sort tragique d’Antigone.
« Et tu es tout seul maintenant, Créon »
Cette réplique du Chœur, montre que Créon a perdu malgré son pouvoir
absolu, car il va se trouver sans sa femme et sans fils. La mort
d’Antigone a entraîné d’autres suicides insensés, que Créon ne peut
supporter, malgré ses capacités et ses pouvoirs, la solitude et la
souffrance vont le tuer. En effet, il vient de perdre son fils, sa
femme, il refuse son passé et trouve qu’il est sans Histoire. Dans ce
sens, il n’aura pas d’avenir, il mourra seul, car il n’a pas voulu
écouter Antigone ou son raisonnement. Il n’a jamais cru que la mort
d’Antigone entraînera d’autres morts.
Pour
Créon, tuer Antigone fait partie de ses tâches quotidiennes les plus
banales. En effet, il devait la faire taire comme il devait se rendre au
conseil à cinq heures.
Le
commentaire du Chœur vient pour expliquer le poids de la fatalité
puisqu’il y a des gens qui meurent sans savoir pourquoi, sans comprendre
l’essence de la révolution. Antigone devait mourir, car elle est la
fille d’Œdipe. Elle ne supportait plus la vie absurde ainsi que ses
valeurs qui deviennent vides de sens. Elle ne peut accepter le bonheur
artificiel. Elle cherche le bonheur absolu. A vrai dire, Antigone
veut se débarrasser de ses contraintes, elle veut se purifier et seule
la mort peut lui procurer paix et dignité, car son existence était une
erreur.
Les
autres vont mourir sans trop comprendre la pensée pamphlétaire
d’Antigone. Mais, la révolte entraîne souvent d’autres personnes. Il y
aura toujours des héros qui meurent pour leurs idées et des personnes
qui meurent sans savoir pourquoi. La tragédie c’est mourir sans
comprendre pourquoi. La tragédie c’est mourir sans comprendre la
signification de son geste.
d. Le message d’Anouilh
« La fatalité tragique n’épargne personne » C’est
le message qu’Anouilh semble nous dire, à travers Antigone. Nous vivons
dans un monde d’aliénation, de mondialisation, d’exploitation…Un monde
où l’absurde fait la loi. Nous avons du mal à comprendre ce qui se passe
auteur de nous. Nous avons perdu nos principes, nous avons oublié nos
valeurs humaines. Nous ne pouvons plus agir ou se révolter, car nous
ignorons nos ennemis et nous n’avons plus d’amis. Nous mourrons sans
savoir pourquoi. Une fatalité tragique et absurde nous écrase, nous
tourmente, nous entraîne vers notre déclin, vers notre fin, vers la
mort. Avons-nous le courage d’Antigone ?
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